A l'heure de la valeur travail

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Tous ces combats qu'ont menés nos prédécesseurs, pionniers de la lutte sociale pour leurs conditions de travail, ont-ils été menés en vain ?

Toutes ces luttes pour les acquis sociaux que furent les congés payés, la journée de 8 heures, la semaine de 39 heures, puis de 35 heures n'ont elles été faites que par des gens qui se fourvoyaient ?
Etaient-ils dans l'erreur ? Se sont-ils, comme certains combattants, battus pour rien ?

Si on écoute nos politiques aujourd'hui, champions de la mise en avant de la valeur travail, oui, on peut dire que ces grandes luttes sociales, ces bras de fer avec le patronat, tout cela a été vain. Au lieu de s'épuiser à vouloir changer le monde du travail et améliorer leurs conditions, nos anciens héros auraient mieux fait de rester à leur poste à trimer plus pour gagner plus, à n'importe quelles conditions.
Tout juste si on ne les taxerait pas de fainéants...

La vérité est comme toujours, ailleurs. En effet, si on pose la question du travail en terme de valeur absolue, on évite ainsi de trop se poser la question du travail sous l'angle de sa finalité, de son sens, de son but.

Parler des chiffres, quantifier toujours plus et encore, est tellement plus simple et plus démagogique pour nos politiques que d'aller au fond des choses et du problème.

Noyer le poisson a toujours été plus simple pour permettre de mieux gérer et contrôler les masses...

LE TRAVAIL COMME INTEGRATION SOCIALE

La valorisation de la force de travail, dans le système marchand capitaliste, n'a jamais été et ne sera jamais l'objectif recherché par les entreprises, leurs buts sont toujours clairs : faire des profits, gagner de l'argent. L'emploi n'est pas le but mais l'un des moyens d'atteindre ce but.

Lorsqu'une entreprise a besoin de salariés, elle embauche, quand elle n'en a plus besoin, elle licencie. Le salariat n'a donc de valeur que dans le calcul économique que fait l'entreprise dans le but de maximiser ses profits.

Dans le monde marchand capitaliste, telle est la simple finalité du travail salarié. Mais dans notre société, l'emploi, en tant que modèle de vie, est structurant, il est nécessaire et indispensable au lien social.

En effet, si le salariat est une valeur marchande du travail, qu'on peut quantifier et optimiser, l'emploi est dans notre société la norme sociale. Avoir un emploi, en plus de donner aux gens les moyens pécuniers de gérer leur vie matérielle, donne surtout et avant tout un sens à leur vie sociale et entraîne la cohésion de notre société où avoir un emploi est la règle.

Perdre son emploi signifie le plus souvent être exclus de ce monde social. Pauvreté, inégalités, alcoolisme, dépression, maladies mal ou peu soignées sont irrémédiablement liées dans notre société au statut du travail. Ne pas avoir d'emploi, de travail entraîne le plus souvent un glissement vers toutes les exclusions.

Dans notre société, l'intégration sociale se juge le plus souvent à l'aune du travail, de l'emploi. C'est ce qui explique l'attachement des gens à leur emploi, même dans des conditions difficiles ou inacceptables et explique aussi l'attachement du salarié à l'entreprise qui lui fournit ce travail. En effet, notre époque n'est plus celle du plein emploi et la peur des salariés de perdre leur moyen de subsistance et d'intégration sociale renvoient aux politiques le spectre d'un effritement du tissu social.

Mais que se passe t-il quand une quantité trop importante d'exclus, de gens qui ont perdu leur travail se présente ? En plus de perdre leurs moyens pécuniers, ils perdent leur statut de membre de la société et fragilisent ainsi l'ordre social. La question devient alors épineuse pour les politiques qui doivent gérer cette masse "hors des normes de la société" et ce d'autant plus qu'elle est composée de plus en plus d'éléments.

Que faire de ceux qui n'ont plus d'emploi, de travail ? Notre système actuel n'a pas de réponse à cette question pour la bonne raison que le système marchand du travail ne s'applique plus pour ces exclus.

POURQUOI UNE TELLE ODE AU TRAVAIL?

Pour quelles raisons nos politiciens actuels font ils le panégyrique, l'hymne à la gloire du travail et du plus de travail encore ?

Depuis le XIX° siècle et l'avènement du système marchand dominant, le travail est de toutes les propagandes, de toutes les démagogies. Des slogans comme : travail dans la joie, patrie des travailleurs, le travail rend libre, Travail Famille Patrie se sont étalés au cours des décennies pour bien ancrer la corrélation entre travail/emploi et intégration sociale.

En effet, dans notre système marchand, le travail/emploi renvoie à la vie : celui qui travaille gagne sa vie, il a sa place dans la société. Bien souvent d'ailleurs, au mépris même des conditions de ce travail.

Celui qui travaille, gagne sa vie, est considéré socialement, intégré, reconnu. A contrario, celui qui ne travaille pas est regardé avec méfiance, suspicion, car s'il est en vie sans travailler, c'est que forcément il profite du travail des autres.

C'est là qu'intervient un effet pervers de ce système, car si le travail était libre, s'il n'y avait pas d'obstacle économique à l'obtention d'un travail, celui qui s'en priverait le ferait alors volontairement, de son propre gré et donc véritablement pourrait on conclure qu'il profite du travail des autres.

Or, tel n'est pas, loin s'en faut, le cas. C'est le marché du travail qui décide, par ses besoins et son exigence de profit, si les travailleurs peuvent ou pas travailler et avoir un emploi.

Conscients bien souvent de cette faille, de ce vide du système, les politiques préfèrent nous abreuver de discours faussement rassurants sur le monde du travail. Ils optent pour une présentation chiffrée et en valeur absolue du travail et déclarent bien souvent, en termes choisis que les chômeurs sont ceux qui "profitent du système", "ne veulent pas travailler", "choisissent l'assistannat" ou bien victimes "des étrangers qui ont pris leur travail". Tout plutôt que d'assumer leur part de responsabilité du fait de leur choix de ce système.

LES FINALITES DU TRAVAIL

Mais quel est le but du travail en réalité ? Son but premier et unique a toujours été le moyen de satisfaire les besoins. Si l'homme exerce une activité rémunérée, c'est avant tout pour satisfaire ses besoins pour mener la vie plus ou moins élaborée qu'il a choisie.

Pour moins se fatiguer, l'homme a inventé l'outil, puis l'a perfectionné. D'après ce raisonnement, aujourd'hui le niveau atteint de perfectionnement devrait donc logiquement permettre à l'homme de travailler très peu pour satisfaire ses besoins. Et pourtant...

Voici les multiples paradoxes de ce raisonnement pourtant simple :

- Plus le travail est efficace et plus l'exigence de productivité oblige l'homme à travailler davantage pour l'augmenter,

- On fait travailler l'homme de plus en plus alors que logiquement du fait de la technicité il y a moins besoin de travail,

- L'arrivée d'une machine dans une entreprise qui ferait économiser la moitié du temps de production se traduit le plus souvent, non par une réduction du temps de travail des salariés, mais par leur licenciement,

- Plus on devrait pouvoir partir tôt en retraite et plus on incite l'homme à partir tard,

- Certains disent même que travailler plus fera avoir plus de travail....

Pourquoi ces raisonnements qui semblent si absurdes au regard de la satisfaction des besoins de l'homme ? Parce que dans la logique du système marchand, le travail n'est plus le besoin de satisfaire les besoins de l'homme mais uniquement l'instrument de la valorisation du capital.

C'est donc absolument logique dans cette optique de licencier des employés remplacés par une machine plutôt que réduire leur temps de travail. L'accroissement de la productivité du travail ne profite pas à la satisfaction des besoins de l'homme mais à la valorisation des profits de l'entreprise.

De plus, ce système s'emballe de lui même et ferme ainsi la boucle. En effet, l'entreprise valorise ses profits par le travail des hommes, ces hommes travaillent pour construire des biens, ces biens qui sont censés être indispensables pour satisfaire les besoins de l'homme.

Or, si certains de ces biens sont indispensables à la survie de l'homme, l'utilité de maints autres reste subjective. Quelques entreprises ne se taillent elles pas des profits gigantesques sur des biens superflus que la propagande et la publicité qu'elles payent elles-mêmes finissent par rendre nécessaires ?

L'accroissement de la productivité ne sert donc plus à "diminuer la peine de l'homme" mais à augmenter les profits des actionnaires. La valeur du travail se trouve donc vidée de son véritable sens et vient aliéner la force de travail des hommes à la rentabilité du capital.

Ainsi la falsification faite du vrai sens du travail permet à des politiciens de masquer, de faire perdurer un système pourvoyeur d'inégalités et d'exclusions. Il permet de flatter certains, stigmatiser d'autres et dédouaner à bon compte ce système injuste et calamiteux.

 

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S
Et si tout cela était savamment orchestré dans un autre but que cela qu'on nous entretien à croire?<br /> http://1001nights.free.fr/article.php3?id_article=1063 Une analyse fort interressante...
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