Les candidats répondent aux Libénautes : Institutions

Publié le par LV

Anonyme, 54 ans : Il est de plus en plus question de réforme constitutionnelle, d'une ampleur telle qu'elle autorise à parler de VI ème République. Qu'est-ce qui justifie concrètement et précisément l'abandon d'une constitution à laquelle ce pays doit tant ?


François Bayrou
: En réalité, le numéro de la Constitution importe peu. Le texte de 2007 n’a plus rien à voir avec celui de 1958. Je ne cite pour mémoire que l’élection du Président de la République au suffrage universel direct ou la possibilité donnée à l’opposition parlementaire de saisir le conseil constitutionnel…

Aujourd’hui, on voit bien que les procédures, les pratiques et les institutions elles-mêmes ont besoin d’être profondément rénovées. J’ai voulu, il y a plusieurs mois, symboliser ce changement nécessaire en donnant à la réforme qu’il faudra mener le nom de 6e République. Mais ce qui compte, c’est le fond des choses. Je veux un président qui assume ses responsabilités, qui détermine et conduit la politique de la nation, et qui rende régulièrement des comptes aux Français.

Je veux une Assemblée nationale dont la composition ressemble à la France, à travers une modification du mode de scrutin et l’introduction de 50% de représentation proportionnelle ; des députés qui n’exercent que ce mandat, un Parlement qui maitrise son ordre du jour, qui vote réellement la loi, sans les contraintes des ordonnances, du 49-3 ou du vote bloqué.

Je veux un pouvoir judiciaire indépendant, avec un garde des Sceaux nommé par une majorité renforcée du Parlement. Il devra présenter chaque année une déclaration sur la politique pénale et sera individuellement responsable de son action.

Je veux une séparation réelle des pouvoirs, exécutif, législatif, judiciaire et médiatique.

Je veux des contre-pouvoirs efficaces et impartiaux, dont les membres seront nommés par une majorité renforcée du Parlement.

Je veux donner des pouvoirs nouveaux aux citoyens, comme la saisine directe du conseil constitutionnel, l’élargissement du champ du référendum, la reconnaissance du vote blanc…

Bref, tout cela nécessite une révision profonde de nos institutions, qui ne sont plus adaptées aux exigences d’une démocratie moderne.


Olivier Besancenot : La Constitution de la V° République est quand même le produit d’un coup d’Etat qui a instauré le pouvoir monarchique du Président, doté de pouvoirs exorbitants (dont le droit de dissolution de l’Assemblée nationale) et qui n’a de comptes à rendre à  personne ... même pas à la Justice pour les délits commis ! Cette situation totalement incongrue au regard de la démocratie, comme le déphasage complet entre la « classe politique »  et les gens ordinaires – déphasage clairement démontré par la victoire du 29 mai 2005 contre la Constitution Européenne, alors que 90% des députés étaient pour le Oui ! – sont à l’origine de l’aspiration à une VI° république. Encore faudrait-il ne pas se contenter de changer de numéro tout en conservant les principales caractéristiques de la V° République.

Je défends la nécessité de vrais changements : la suppression du caractère monarchique de la Présidence, l’instauration de la proportionnelle intégrale et de la parité, le droit de vote et d’éligibilité des immigrés à toutes les élections, la suppression du Sénat, le mandat unique et la limitation (à 2 ou 3) du nombre de mandats successifs, la limitation des indemnités des élus au revenu moyen de ceux qu’ils sont censés représenter, etc ...


José Bové : La cinquième République, ses institutions et son fonctionnement sont arrivés à leur limite. Nous voulons une nouvelle République qui, entre autres mesures, réduise considérablement les pouvoirs quasi-monarchique et sans contrôle citoyen du Président de la République, qui élise l'Assemblée Nationale à la proportionnelle intégrale pour que tous les électeurs soient représentés ou qui donne le droit de vote et l’éligibilité à tous(tes) les résident(e)s. C’est sur les bases d’une nouvelle constitution et d’une déclaration qui affirme des droits nouveaux (au logement, à disposer de moyens convenables d'existence, à la sécurité professionnelle...) que nous voulons construire notre projet de société. Comme imaginer que la 5e soit capable de le porter ?


Marie-George BUFFET : La très grande majorité de nos concitoyens considère que cela ne marche plus et que nos institutions sont à bout de souffle. Si nous voulons réussir à changer de politique pour répondre aux attentes de nos concitoyens, nous avons besoin de nouveaux pouvoirs d’intervention des citoyens dans la cité, sur les lieux de travail, à tous les niveaux, du local au mondial. Je me bats pour une société fondée sur le partage des savoirs et des pouvoirs.

Or toute l’expérience montre que les institutions et le système politique de la Ve République contredisent cette exigence. En faisant du Président «la clé de voûte des institutions», elle consacrait, dans l’équilibre constitutionnel, la prééminence de l’exécutif sur le législatif. Le présidentialisme a avivé la crise de la politique et étouffé la citoyenneté. La représentation nationale s’est éloignée des citoyens avec les modes de scrutin, le non renouvellement des sphères dirigeantes, l’exclusion de fait des catégories populaires, des femmes, des immigrés. L’essentiel de la législation française est aujourd’hui une simple adaptation de lois européennes. L’Etat abdique l’une après l’autre ses responsabilités dans la sphère économique et sociale. Les marchés financiers et les actionnaires dictent leurs lois aux entreprises sacrifiant l’emploi et le développement économique et social. Résultat: la démocratie est en crise. Voilà entre autres les raisons qui justifient de changer profondément nos institutions et d’ouvrir le chantier d’une VIe république.

Cette nouvelle République sera fondée sur la souveraineté populaire et la citoyenneté: réduction des pouvoirs du président de la République, revalorisation du rôle de l’Assemblée nationale, modification de la composition du Conseil constitutionnel, désigné par l’Assemblée nationale, et du Conseil supérieur de la magistrature.Son titre premier sera une déclaration des droits fondamentaux et des libertés de la personne. Ces droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels seront opposables devant les tribunaux. Enfin, sans attendre cette nouvelle Constitution, la loi établira la proportionnelle pour toutes les élections, la limitation du cumul et de la durée des mandats, la création d’un statut de l’élu et d’un statut du militant associatif, syndical et politique, le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers.


Ségolène Royal : Notre République est en crise : le président de la République est politiquement et pénalement irresponsable ; le Parlement est affaibli ; la justice est attaquée; les garanties d’indépendance des organes de régulation ne sont pas suffisantes ; les méthodes de gouvernement ignorent les citoyens. Le nombre des abstentions aux dernières élections et l’injustice du vote traduisent le sentiment d’un nombre croissant de nos compatriotes qu’il sont exclus du débat et des choix politiques. Il n’y a plus de lien clair entre l’expression du suffrage universel et l’exercice du pouvoir. Les Français ne sont pas devenus indifférents à la politique, mais ils veulent une démocratie qui fonctionne mieux et dans laquelle chacun se sente respecté, et représenté, à laquelle, chacun puisse mieux participer. C’est pourquoi je propose d’instaurer une République nouvelle en renforçant les pouvoirs du Parlement, en introduisant des règles strictes de non cumul des mandats, en créant des jurys citoyens, en facilitant l’accès de tous à la justice, en garantissant l’indépendance et le pluralisme des médias. Quant au Sénat, je souhaite en modifier les règles d’élections, pour faire en sorte que cette assemblée entre enfin dans l’ère de l’alternance et supprimer son droit de veto en matière constitutionnelle.


Nicolas Sarkozy : Je partage votre point de vue. La cinquième République a été créée à un moment où la France traversait une des crises les plus graves de son histoire. Elle nous a préservés de nombreux dangers depuis cette date. Les Français savent bien que les problèmes de la France ne sont pas liés à ses institutions, mais à la pratique politique depuis 25 ans : interdiction de parler de rien, poids de la pensée unique, absence de courage pour entreprendre les réformes, impuissance publique. Je défendrai donc la cinquième République tout en faisant évoluer la pratique, les mentalités, les comportements.



Anonyme : A quand la suppression du Sénat dont on se demande bien à quoi il sert ?


François Bayrou
: Toutes les grandes démocraties ont deux Assemblées législatives. Le monocamérisme présente un risque de dérive vers le régime d’Assemblée que je ne prendrai pas.

Il ne s'agit donc pas pour moi de supprimer la Chambre haute, mais de la réformer, de la dépoussiérer, avec une idée simple : qu'elle représente mieux la société française, qu'elle ne soit pas systématiquement debout sur les freins s'il s'agit de réformer.

Puisque je veux que les députés aient un mandat unique, il me semble juste que le Sénat soit la voix des collectivités locales et logique que les sénateurs aient un mandat local.


Olivier Besancenot : Pour moi, le plus tôt sera le mieux ! Le problème n’est pas tellement que le Sénat ne servirait à rien mais, plutôt, qu’il a un rôle complètement négatif et profondément conservateur, voire réactionnaire. Depuis des décennies, le Sénat s’est opposé systématiquement à toute réforme même timidement progressiste. Vu leur mode d’élection totalement archaïque  - élection indirecte par de « grands électeurs » - les sénateurs n’ont aucune légitimité populaire. Ils sont fort peu représentatifs – encore moins que les députés - de la diversité de la société française. Et, en plus, ils disposent de fait d’un quasi droit de veto sur les décisions prises par les députés ! C’est un pur scandale démocratique qui doit cesser le plus vite possible.


José Bové : Dans le cadre de notre projet de nouvelle République, nous sommes pour la suppression du Sénat et pour l’institution de l’Assemblée nationale en assemblée législative unique. Par contre, nous n'avons pas d'avis définitif concernant l'existence d'une instance permettant de prendre en compte dans le débat législatif national les initiatives des citoyens et des collectivités territoriales. Nous souhaitons donc que cette question soit largement débattue.
 

Marie-George BUFFET : Dans le cadre d’une nouvelle République où le rôle de l’Assemblée nationale sera revalorisé, je propose de transformer le Sénat pour en faire un outil de citoyenneté. Il pourrait examiner et débattre des initiatives d’ordre législatif des collectivités territoriales et des citoyen-nes, avant de les transmettre à l’Assemblée nationale. Ce nouveau Sénat sera élu au suffrage universel direct, à la proportionnelle départementale. Une moitié de ses membres pourrait être élue parmi celles et ceux qui ont exercé au moins un mandat politique local;une autre moitié parmi celles et ceux qui excercent des responsabilités associatives, syndicales ou politiques.


Nicolas Sarkozy : Dans un pays comme le nôtre, si prompt aux passions, le Sénat est indispensable pour garder un peu de recul sur les réformes et mettre de la sérénité dans les débats. Il complète utilement l’Assemblée nationale et permet de représenter les collectivités territoriales.
 
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