Le Che tombait il y a 40 ans

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che1.gifCuba commémore le quarantième anniversaire de la mort d'Ernesto Guevara, le plus célèbre des compagnons d'armes de Fidel Castro.

Un hommage lui sera également rendu en Bolivie, où il a été capturé et exécuté, et en Argentine, où il est né.

Même si le mythe du Che a souvent été écorné par les historiens, l'ancien guérillero sud-américain fait encore fantasmer. Le Che est considéré comme le théoricien et le grand artisan de la révolution cubaine.

Fils d'aristocrate désargenté, Ernesto Guevara, dit le Che, est né en Argentine en 1928. Étudiant en médecine au début des années 50, il part à moto à la découverte du contient sud-américain. C'est en 1955 que son destin bascule. Il rencontre à Mexico Fidel et Raul Castro. A l'époque, les frères Castro sont exilés après l'assaut raté à Cuba contre la Moncada.

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En 1956, Ernesto Guevara s'engage en compagnie des deux frères Castro pour le débarquement à Cuba. Ils lancent la guérilla qui les portera au pouvoir en deux ans. Le Che se révèle un chef de guerre impitoyable, exécutant lui-même les traitres et les espions.

Après la prise stratégique de la ville de Santa Clara, en 1958, contre les troupes de Fulgencio Batista, le Che ouvre les portes de La Havane. Fidel Castro entre triomphalement dans la capitale cubaine en janvier 1959.

Au début des années 60, le Che entend radicaliser la révolution. Il rencontre Khrouchtchev à Moscou et Mao Tsé Toung à Pékin. Il part ensuite propager la révolution en Afrique, notamment au Congo, mais aussi en Amérique latine.

Capturé en Bolivie le 7 octobre 1967, Che Guevara est exécuté le 9 octobre. C'est à Santa Clara que repose sa dépouille depuis 1997. Le visage du Che reste un symbole révolutionnaire. Mais, son image est écornée par les historiens. La figure romantique du Chef est ternie par celle du révolutionnaire froid et sanguinaire…

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EXCLUSIF !!!
Grâce au concours d'Albert Einstein, père de la théorie de la relativité, LV a réussit à remonter le temps et correspondre par mail avec le Che pour une dernière fois. En exclusivité, voici l'intégralité des échanges:

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LV :  Comandante,


Qu'il me fait plaisir de pouvoir enfin vous écrire! J'aimerais savoir ce que vous pensez réellement du Lider Maximo. D'après-vous, Fidel Castro est-il toujours le même qu'à l'époque du M.26? Est-il réellement devenu le dictateur sanguinaire, mégalomane, cruel? Croyez-vous qu'il ait toujours la flamme sacrée de la lutte pour la liberté? Vous l'avez cotoyé durant de nombreuses années. Quel genre d'homme est-il? Qu'est-ce qui vous différencie de lui?

Autre question. Castro s'est arrêté à Cuba, mais vous «El Che», pensez-vous vous arrêter un jour?

Hasta siempre, comandante!

LV

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Cher LV,

Le plaisir est partagé. J’espère que toi aussi tu as la «flamme sacrée de la lutte pour la liberté». En tout cas, tu as l’air sacrément doué pour foutre le bordel, j’espère que tu sais utiliser cela à bon escient…

Parce que pour ne pas te mentir, ta question m’embarrasse sacrément. Fidel, c’est ni tout blanc, ni tout noir…

Je suppose que tu connais déjà ma lettre de despedida que Fidel a lu à La Havane il y a tout juste deux ans. Je te la joins ci-après en espagnol, si tu as besoin de traduire une phrase, fais-moi signe, Chango.

Bien sûr, je suis d’accord avec tout ce qui se trouve dans cette lettre et je n’en retire pas un mot. J’en veux un peu al Gigante d’avoir lu cette lettre alors que j’étais encore au Congo dans un merdier pas possible (un peu comme maintenant, tiens…). Il savait très bien qu’en la lisant, il m’interdisait de revenir, mais après tout, c’était son choix.

Il faut bien dire que je suis aussi parti parce qu’il y avait des désaccords sérieux entre nous sur la politique d’industrialisation, les incitations économiques et la politique extérieure. En simplifiant, j’ai toujours pensé que pour être libre, Cuba devait être indépendante. Pour cela, nous avions besoin d’une industrie nationale (sous Batista, Cuba exportait du sucre pour importer des bonbons !) et d’établir des échanges économiques sains avec des pays non alignés.

La grande différence entre Fidel et moi, c’est qu’il est à la tête du pays et doit gérer aujourd’hui avant de penser à demain. Il est donc obligé de composer avec les Russes et leurs exigences politiques et économiques.

Moi je n’ai pas ce problème. Je me bats pour la liberté de l’Amérique Latine et de toute la Tricontinentale. Tu ne peux pas faire de concessions quand tu te bats pour la liberté. Patria o muerte…

Sinon, Fidel est un tio très intelligent, loquace, terriblement tenace et de bonne volonté. Mégalomane, il l’est également, il n’y a aucun doute et on n’aurait pas pu réussir sans cela. Il nous voyait déjà renverser Batista quand on n’était que douze dans la Sierra Maestra! Cruel et sanguinaire, ce n’est pas lui. Par contre, autoritaire, il l’est et cela c’est embêtant.

Enfin bon, il m’a promis qu’il redonnerait le pouvoir au peuple dès que les États-Unis lui lâcheraient un peu la grappe. Je n’ai pas de raison de ne pas le croire. Comme il dit toujours: la historia le absolvera…

Enfin, pour répondre à ta dernière question, je compte bien m’arrêter un jour. Ce sera le jour où j’aurai viré ce gouvernement fantoche qui gouverne mon pays. D’abord la Bolivie, ensuite l’Argentine et je te promets qu’alors je prends un jour de repos. Comme tout bon portenio, j’irai me boire un maté à San Isidro, en regardant les danseurs de tango.

Et le lendemain, on attaque l’Afrique du Sud…

Por supuesto estas invitado, chico !

Ps : Chango, tu pourrais me rendre un service ? J’aimerais bien savoir si le San Isidro Club continue à gagner le championnat d’Argentine de rugby à ton époque. C’est pour un pari…

Un cordial abrazo revolucionario,

Che Guevara

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Carte de despedida a Fidel Castro :

Fidel,

Me recuerdo en esta hora de muchas cosas, de cuando te conocí en casa de María Antonia, de cuando me propusiste venir, de toda la tensión de los preparativos. Un día pasaron preguntando a quién se debía avisar en caso de muerte y la posibilidad real del hecho nos golpeó a todos. Después supimos que era cierto, que en una revolución se triunfa o se muere (si es verdadera). Muchos compañeros quedaron a lo largo del camino hacia la victoria.

Hoy todo tiene un tono menos dramático porque somos más maduros, pero el hecho se repite. Siento que he cumplido la parte de mi deber que me ataba a la Revolución Cubana en su territorio y me despido de ti, de los compañeros, de tu pueblo que ya es mío.

Hago formal renuncia de mis cargos en la dirección del Partido, de mi puesto de Ministro, de mi grado de Comandante, de mi condición de Cubano. Nada legal me ata a Cuba, sólo lazos de otra clase que no se pueden romper como los nombramientos.

Haciendo un recuerdo de mi vida pasada creo haber trabajado con suficiente honradez y dedicación para consolidar el triunfo revolucionario. Mi única falta de alguna gravedad es no haber confiado más en tí desde los primeros momentos de la Sierra Maestra y no haber comprendido con suficiente claridad tus cualidades de conductor y de revolucionario. He vivido días magníficos y sentí a tu lado el orgullo de pertenecer a nuestro pueblo en los días luminosos y tristes de la crisis del Caribe. Pocas veces brilló más alto un estadista que en esos días, me enorgullezco también de haberte seguido sin vacilaciones, identificado con tu manera de pensar y de ver y apreciar los peligros y los principios.

Otras tierras del mundo reclaman el concurso de mis modestos esfuerzos. Yo puedo hacer lo que te está negado por tu responsabilidad al frente de Cuba y llegó la hora de separarnos.

Sépase que lo hago con una mezcla de alegría y de dolor, aquí dejo lo más puro de mis esperanzas de constructor y lo más querido entre mis seres queridos... y dejo un pueblo que me admitió como un hijo; eso lacera una parte de mi espíritu. En los nuevos campos de batalla llevaré la fe que me inculcaste, el espíritu revolucionario de mi pueblo, la sensación de cumplir con el más sagrado de los deberes: luchar contra el imperialismo donde quiera que esté, esto reconforta y cura con creces cualquier desgarradura.

Digo una vez más que libero a Cuba de cualquier responsabilidad, salvo la que emane de su ejemplo. Que si me llega la hora definitiva bajo otros cielos, mi último pensamiento será para este pueblo y especialmente para tí. Que te doy las gracias por tus enseñanzas y tu ejemplo al que trataré de ser fiel hasta las últimas consecuencias de mis actos. Que he estado identificado siempre con la política exterior de nuestra Revolución y lo sigo estando. Que en dondequiera que me pare sentiré la responsabilidad de ser revolucionario Cubano, y como tal actuaré. Que no dejo a mis hijos y mi mujer nada material y no me apena: me alegra que así sea. Que no pido nada para ellos pues el Estado les dará lo suficiente para vivir y educarse.

Tendría muchas cosas que decirte a ti y a nuestro pueblo, pero siento que son innecesarias, las palabras no pueden expresar lo que yo quisiera, y no vale la pena emborronar cuartillas.

Hasta la victoria siempre. ¡Patria o Muerte!

Te abraza con todo fervor revolucionario

Che Guevara


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LV : Comandante,

Tu me dis que tu n'es pas d'accord avec les politiques économique et extérieure de Fidel. Je ne comprends pas. Tu vas sans doute me dire que je vais foutre le bordel encore une fois, que je t'oblige à me parler de science politique alors que tu es coincé dans un merdier en altitude avec des balles qui sifflent partout autour, mais je dois te poser la question suivante: Est-ce que Fidel avait le choix? Est-ce que Cuba avait le choix? Le pays pouvait-il réellement devenir indépendant après la victoire de 1959? Les Américains faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour détruire la révolution. Les sanctions économiques qu'ils imposaient étaient un lourd fardeau pour Cuba. Afin que la «revolucion» survive, mi comandante, y avait-il une autre solution que d'accepter l'aide soviétique? Ils ont sauvé l'économie cubaine en achetant du sucre dont ils n'avaient pas besoin. Ils ont fourni des armes qui ont permis de repousser les traîtres armés par la CIA, en somme, ils ont sauvé la révolution, comandante, quoi que tu en penses.

D'après toi, la révolution cubaine aurait-elle pu être viable à long terme sans l'aide soviétique?

Avec tout mon respect,

Patria o muerte

LV

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Cher LV,

Ne t’inquiète pas pour ma santé, c’est la nuit et plus personne ne tire ici…

Je savais bien que ta question allait m’amener loin. D’abord, je répète ce que je t’ai dit: Fidel, ce n’est ni tout noir, ni tout blanc. J’aurai toujours un profond respect pour le gigante. Mais, de hecho, nous avons quelques désaccords et c’est aussi pour ça que je suis parti.

Parlons d’abord de l’économie. Cuba était, sous Batista, un pays complètement dépendant des États-Unis, qui exportait ses matières premières pour importer des produits finis. Les paysans cubains étaient analphabètes. Les principaux bénéficiaires de la situation étaient le gouvernement corrompu, les grandes sociétés américaines comme la United Fruit et les mafieux américains, comme Santos Traficante, Sam Giancana ou Jimmy Hoffa qui avaient des intérêts dans les grands hôtels de La Havane.

Le M26, Fidel et moi, on était tous d’accord pour dire qu’il fallait sortir de cette situation de dépendance du pays aux cours du sucre et aux Etats-Unis. C’est pour cela que l’on a décidé d’alphabétiser les paysans, de mettre en place une réforme agraire et d’industrialiser le pays.

Sur ce dernier point, j’étais persuadé que la réussite de la révolution passait par la rapidité du processus d’industrialisation. C’est pour cela que Fidel m’a donné les clés de l’industrie et de l’économie.

Malheureusement, en 1964, nous avons du faire le constat que mon approche était trop ambitieuse. Les efforts que nous avions fournis dans l’industrialisation ont empêché de maintenir notre production sucrière. Cette période de transition aurait normalement du être soutenue par les pays frères, mais les russes se servaient de nous comme pions contre les gringos (je ne te raconte pas l’épisode des missiles, tu connais déjà –tu as l’air plutôt bien renseigné…).

Poussé par les « vieux » communistes cubains et par la réalité économique, Fidel a donc décidé de ralentir notre croissance industrielle et de revenir vers une production sucrière peu diversifiée. En clair, nous ne dépendions plus des américains, mais des russes. Voila pour notre dissension économique.

Sur le plan de la politique extérieure, qui est le point principal de ta question, tu as raison quand tu affirmes que nous ne pouvions pas négliger leur aide en 59. De là à dire qu’ils ont sauvé notre révolution, carajo! J’y étais à Bahia Giron et puto! c’est nous qui les avons repoussé les gringos, pas les russes je te l’assure…

Tu me demandes si Cuba pouvait être indépendant en 59, alors que les gringos faisaient tout pour nous foutre en l’air : non, tu as parfaitement raison, Cuba ne pouvait pas être indépendant, avec sa petite armée et son économie primaire et monoproduit.

Mais pourquoi seulement les russes, carajo? Quel est le rapport de force entre l’URSS et Cuba, conio? En 59, nous avions trois partenaires potentiels pour sortir de la zone d’influence américaine. L’Europe de l’Ouest, l’URSS (et le COMECOM) et le continent afro-asiatique. Le problème de l’Europe de l’Ouest, au milieu de la guerre froide, était sa timidité face aux américains, ainsi que son manque d’intérêt économique pour notre île. Quel produit industriel pouvions-nous apporter aux européens qu’ils n’avaient pas déjà ?

J’ai clairement donné ma préférence aux pays du tiers-monde à Fidel, qui m’a laissé partir trois mois en Afrique et en Asie, pour revenir avec des accords d’échange. Mais la pression américaine a fait qu’entre-temps, nous avons dû nous nous rapprocher des russes, trop tôt à mon avis, parce que les américains ne nous laissaient pas avancer.

Je me suis rendu en URSS pour négocier notre partenariat. Mais quand je parlais de socialisme, on me parlait de guerre froide.Ça oui, les Russes acceptaient de nous aider, pour repousser les américains, mais à condition qu’ils prennent leur place ! Ils nous demandaient de suivre leur politique extérieure, de ne négocier qu’avec eux, de renoncer à la Tricontinentale. Bref, le seul avantage des Russes sur les Ricains, ce n’était pas qu’ils étaient communistes, c’est qu’ils étaient loin!

Fidel avait-il un autre choix que de se reposer sur eux ? Certainement non. Mais nous devions à Cuba d’essayer de trouver d’autres partenaires. C’est pour cela que j’ai continué d’avancer avec les chinois et, aujourd’hui encore, avec la Tricontinentale. Je m’en suis occupé et, bien entendu, cela n’a pas plu aux russes qui nous ont tapé sur les doigts.

Aujourd’hui, Fidel a donc choisi de suivre la loi du COMECOM et je dois dire que je peux comprendre son choix. Mais moi je suis latino et je me bats pour la liberté, pas pour les russes ni pour une théorie économique. Voila pourquoi je ne peux pas accepter l’aide soviétique qui ressemble beaucoup à de l’asservissement.

Et parfois, je me demande si Fidel ne m’envie pas un peu d’avoir gardé ma liberté d’action…

Enfin pour répondre à ta dernière question : « D'après toi, la révolution cubaine aurait-elle pu être viable à long terme sans l'aide soviétique?», je te répondrai ceci: Je ne sais pas, mais ça vaut quand même le coup d’essayer, non ? Si on ne se bat pas pour la liberté, on se bat pourquoi ?

Hasta la victoria siempre!

Che Guevara

PS:

Chico,

Me alegre saber que el gigante sea siempre vivo en los dos mil y poco.

Vieillard? Nostalgique?

Ne te bats pas pour des symboles, ni pour des images. Bats-toi pour ce que tu crois.

Hasta la victoria siempre, cabron !

El resto, poco me importa...
Tu amigo, para siempre...

Che Guevara
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S
Waouh! Chapeau!<br /> <br /> Tu crois que c'est possible, l'indépendence économique de la France,ô grand ami du Che?
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